Sanaa Altama
“ La différence entre quelqu’un qui réussit ou non, c’est celui qui passe à l’action…”
Interviewé le 23/12/2024
Publié par Célian Frossard
Son parcours sportif
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2008 - 2010
Centre de formation
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2010 - 2013
Ligue 1 / Ligue 2
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2013 - 2014
Challenger Pro League
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2015
SuperLiga
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2015
SuperLiga
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2016
National 1
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2016 - 2018
National 1 / Ligue 2
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2018
D1 ACFF
Caractéristiques
Né le : 23 Juillet 1990 à Lille
Taille : 1 mètre 84 pour 77 kilos
Ancien Footballeur professionnel & international Tchadien
Palmarès : Champion de France National 1 (saison 2017-2018)
Poste : Milieu Défensif
Pieds : Droit
Nationalité : Français / Tchadien
Situation Actuelle : Associé chez Solutions Budget
Parcours Junior :
RC Bois Blancs : 1996 - 1998
Lille OSC : 1998 - 2003
UF Lambersart : 2003 - 2005
Lille OSC : 2005 - 2010
Pourquoi Sanaa ?
Célian :
De la pelouse des stades aux défis de l'entrepreneuriat, Sanaa incarne la résilience et la détermination.
Ancien footballeur professionnel, il a su transformer chaque obstacle en tremplin, prouvant que le dépassement de soi va bien au-delà du terrain. Découvrez son parcours inspirant, marqué par la passion, la persévérance et une reconversion audacieuse.
« Anticonformiste »
L’interview…
Première licence de football de Sanaa
Quartier des Bois Blancs de Lille
Sanaa : Du coup, j'ai joué de 6 ans à 7 ans au Racing Club de Bois-Blanc, et je me suis fait recruter tout de suite à 7 ans par le LOSC.
Célian : Et ça s'est passé lors de détections ?
Sanaa : Je pense que cette journée n'existe plus, ça s'appelait la Journée Internationale ou la Journée Nationale des Benjamins, des Débutants ou des Poussins. C'était un gros tournoi, et il y avait Lille. Je crois que j'étais plutôt bon au foot, je pense. Du coup, il y avait le responsable de l'école de foot, qui s'appelle Michel Vandamme. Et ce qui est particulier, c'est que ce monsieur était âgé. On fera le parallèle plus tard, mais il était très âgé, il devait avoir au moins 70 ou 80 ans, je pense qu'il avait 70 ans. Et c'était le responsable de l'école de foot. Du coup, des Débutants jusqu'aux 14 ans. C'est le père de Jean-Michel Vandamme et aujourd'hui, c'est le directeur du centre de formation de Lille. Aujourd’hui, il est le principal conseiller du président de Lille, mais grosso modo, ce sont des personnes qui ont construit le club, qui ont de l'influence dans le club et qui sont là depuis très longtemps. Ils m'ont recruté, ils sont venus voir mon coach et lui ont dit : "Il vient au LOSC, directement." J'avais déjà des amis du Bois-Blanc qui étaient partis à Lille. Je trouve que c'est pas mal, parce que le Bois-Blanc, c'est un petit quartier. On était déjà plusieurs : il y avait Mehdi Tampani, il y avait Romuald, qui n'est plus là malheureusement, et il y avait Kamel Zanane. Ils étaient trois déjà là-bas. Moi, je suis le quatrième à être parti là-bas. Pour un petit quartier, c'est bien, tu vois.
Un début de cursus contrasté…
Sanaa : Tu ne t’es pas demandé pourquoi j’ai fait Lille - Lambersart - Lille ? Qu'est-ce qui s'est passé entre Lille et Lambersart, et pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y avait des sélections, entre guillemets, et qu'à ce moment-là de ma carrière, de ma pseudo-carrière de gamin de 8, 9 ou 10 ans, je n'ai pas été retenu.
Célian : Tu n’étais pas dans le moule ?
Sanaa : Je n'étais pas dans le moule, exactement. Je n'étais pas dans le moule.
Célian : Donc... tu es reparti travailler... Tu n’étais pas déçu ?
Sanaa :J’étais... Franchement, j’étais déçu, mais pas tant que ça.
Les débuts au LOSC pour Sanaa
C. : Ok. Donc, raconte-moi un peu ce cursus. Quand tu reviens à Lambersart, puis que tu fais, entre guillemets, ce qu'il faut pour retourner au LOSC et signer pro, c'est quoi, les contraintes pour devenir professionnel ?
S. : Alors... Comme je te disais, je n'étais pas dans le moule. Donc je vais jouer à Lambersart. Je pense que j'y suis resté deux ou trois ans. Ça se passe très bien. On affronte toujours Lille, puisqu'on a une très bonne équipe. On évolue au premier niveau régional. On joue toujours contre Lille, donc je vois encore un peu mes potes. Eux, ils évoluent de leur côté, moi du mien. On arrive jusqu'aux 14 ans fédéraux. Je ne sais pas si tu connais cette...
C. : C'est un peu l'équivalent du plus haut niveau des 14 ans. C'était R1 à mon époque.
S. :Voilà. On montait... R1, on va dire, ou 14 ans fédéraux. Ceux de mon âge sauront exactement de quoi je parle. Les 14 ans fédéraux, c’est que tu joues contre Lille, Lens, des clubs parisiens, des clubs de l’Oise, donc Amiens, tout ça. (…) Et donc, on est avec Lambersart, première fois de l'histoire du club en 14 ans fédéraux. Comme je te dis, on joue contre Lille, Lens... Là, c'est la crème de la crème. Et pour ces catégories de jeunes, t'as des recruteurs à tous les matchs. Peut-être pas pour les mecs de Lambersart. Mais quand tu joues contre Lille, il y a des recruteurs qui viennent voir les joueurs de Lille. Quand tu joues contre le Red Star, il y a des recruteurs qui viennent voir les joueurs du Red Star.
C. : Ouais, c'était là où tu pouvais miser sans prendre trop de risques.
S. : Exactement. Tu repérais les pépites de 14 ans et tu les faisais entrer en centre de formation. Du coup, moi, j’ai fait une très bonne saison. Une très, très bonne saison. (…) Et comme je le disais, avec tous les recruteurs, j'ai eu pas mal de sollicitations. Lille, Lens, Rennes... Rennes en premier, d'ailleurs. Lille, Lens, Monaco, il y avait aussi des clubs belges, Nantes...
C. : Ouais, t'étais bien sollicité.
S. : Bien sollicité, oui. J'avais, entre guillemets, des touches. Il y avait beaucoup de centres de formation qui voulaient que je vienne chez eux. Et nous, à Lambersart, c'était un club un peu partenaire de Lille. Mon coach était très proche d’un recruteur de Lille, François Vitali. Ça me fait rire de parler de lui, parce que dernièrement, j’ai vu une vidéo d’Eden Hazard qui lui faisait un petit clin d'œil. C’est l’un des recruteurs qui l’a fait venir à Lille, Eden, tu vois. Bon, je vais peut-être un peu trop vite, mais… Enfin, voilà. Comme on était un club partenaire de Lille, c'était aussi la solution la plus simple pour l'environnement familial.
Un retour au centre de formation du LOSC dans son âge d’or…
Sanaa et Idrissa Gueye en match

Sanaa
“ Je n’en était pas conscient
(…). J’ai passé un cap. ”
Un passage remarquable à Dijon
C. : Comme tu le dis, tu signes à Dijon FCO, tu fais une première année en Ligue 2 où vous montez en Ligue 1. Quel sentiment as-tu eu lors de ton premier match en professionnel ?
S. : C'était une titularisation. un match joué un mardi. Le coach, Patrice Carteron, voulait faire souffler un peu son équipe, parce qu’un gros match arrivait le week-end. Enfin, ce genre de match, c'est un peu un "cadeau empoisonné". Parce que si tu perds, tu finis au placard. Ils te disent : "Tu vois, c'est pour ça que tu ne joues pas, tu n'as pas le niveau." Il voulait aussi faire jouer des joueurs plus confirmés, histoire de structurer un peu l’équipe et leur donner du temps de jeu. Il avait donc fait un mix entre jeunes pros, comme moi, Mehdi Courgnaud, mon gars Abdoulaye Bamba, et des joueurs plus expérimentés comme Lesly Malouda et Christophe Mandanne. Bref, premier match en pro, contre Vannes, à domicile, il me semble. Et c’est une réussite, puisqu’on gagne 4-1.
C. : (…) Quelle attache as-tu avec le DFCO ?
S. : C’est ton premier club pro, tu découvres le monde professionnel… J’ai fait mes plus belles années aussi, puisque c’est là que tu as connu le plus haut niveau, la Ligue 1. Dans une ville comme Dijon, c’est magnifique, tu vois. Aujourd’hui, ils sont en National 1, c’est dommage… Mais moi, je peux dire qu’en Ligue 1, il y avait un vrai engouement. Autour de Gaston-Gérard, autour de la ville, des sponsors, des gens… Franchement, c’était magnifique. Et en plus de ça, j’ai rencontré ma copine ici. Mon fils est né à Dijon, il joue à Dijon, tu vois ce que je veux dire. Dijon, c’est… c’est sentimental.
L’anecdote marquante Avec
C. : J’ai vu que tu avais intégré l’équipe nationale du Tchad pour les éliminatoires de la CAN.
S. : Exactement.
C. : J’ai notamment vu un match contre l’Égypte. Tu peux nous en parler ?
S. : Ouais, écoute, je devais y aller plus tôt, déjà quand j’étais à Dijon. Mais la sélection n’était pas structurée, tu vois. Ce n’était pas sérieux. C’était encore ces sélections africaines qui manquaient d’organisation. Même aujourd’hui, ça s’est un peu amélioré, mais ce n’est toujours pas structuré comme les grandes nations du football, tu vois. Du coup, j’ai eu l’opportunité d’y aller en 2015, malgré mes refus les années précédentes. Tout simplement parce que, cette fois, ça me permettait d’avoir du temps de jeu, une expérience internationale, et ça me semblait plus concret. Mon avocat était en contact avec la Fédération et il m’a assuré que c’était plus carré, donc j’y suis allé. Il y avait Mohamed Salah, je me rappelle. C’était pas mal. Il y avait aussi Mohamed Elneny d’Arsenal. Donc, franchement, c’était une bonne expérience. J’ai apprécié, surtout que ça m’a aussi permis d’aller au Tchad, de voir la famille, etc. Donc, très bonne expérience.
C. : Pour toi, quelles sont les différences entre jouer pour un club et jouer pour une nation ? Tu appréhendes les choses différemment ?
S. : Ouais, quand tu joues, entre guillemets, pour la patrie, c’est vraiment différent. Les attentes ne sont pas les mêmes. Surtout dans les sélections africaines, où le football est un véritable échappatoire pour le peuple. C’est une fierté énorme. Il faut le vivre pour le comprendre. Avant d’y être, j’entendais des joueurs en parler, mais je ne réalisais pas vraiment. Et une fois que tu y es, tu comprends. L’amour que les gens te donnent là-bas, l’engouement, c’est incroyable. Ça te galvanise. C’est vraiment une question de fierté. Parce que finalement, tu n’y vas pas pour l’argent, tu n’y gagnes pas énormément. C’est juste une immense fierté. Alors que le club, c’est ton quotidien, c’est ton travail. C’est différent.
“ Quand tu joues pour la patrie, c’est vraiment différent ”
Une reconversion abordé avec SERENITé
“ C’est enrichissant aussi, de créer quelque chose d’un coté, tu vois ? J’ai remplacé le football qui est enrichissant, motivant, prenant, par quelque chose d’autre. ”
C. : Est-ce qu’il y a des bienfaits du sport que tu gardes et qui t’apportent dans ton travail aujourd’hui ?
S. : Ah ben oui ! Déjà, la résilience. T’as vu mon parcours, il est semé d’embûches, de réussites, de joies, de peines… Quand tu traverses ça, tu développes naturellement une forme de résilience. Et je le vois au quotidien. Quand je bossais avec mon pote, parfois, on avait des dossiers qui ne passaient pas, et lui, ça le minait. Mais moi, je relativisais : Ce n’est pas grave, il y en aura d’autres. Grâce au foot, j’ai appris la résilience, c’est clair. J’ai aussi développé une endurance mentale. Dans mon boulot, je traite des dossiers de regroupement de crédits, et c’est fastidieux, ça prend du temps. Mais quand t’as connu des préparations avec trois entraînements par jour – à 6h du matin, à 10h, à 18h – t’as l’habitude d’endurer. Ça forge une endurance physique, mais surtout mentale. Alors après, quand tu te retrouves à traiter des dossiers, c’est presque facile en comparaison. Donc ouais, résilience, endurance mentale, détermination, persévérance… Toutes ces qualités qui régissent le sportif de haut niveau me servent aujourd’hui dans ma vie d’entrepreneur. Un entrepreneur doit avoir ces qualités qu’un footballeur de haut niveau possède naturellement. D’ailleurs, en ce moment, je suis en train de faire une validation des acquis de l’expérience pour obtenir un diplôme reconnu. Soit un BTS Banque, soit une licence en Banque et Assurance. Grâce à mes cinq années d’expérience, je peux prétendre à cette VAE. Et quand j’ai monté ce dossier, ils m’ont demandé : Qu’avez-vous fait pendant ces cinq ans ? Et avant ? J’ai valorisé le fait que j’étais footballeur professionnel. J’ai mis en avant ma persévérance et mon endurance, qui sont des atouts pour ce domaine. Parce que quand tu vises un poste comme directeur de banque ou conseiller bancaire, ce sont des qualités essentielles.
Sa vision… sur son parcours
C. : Humainement, qu’est-ce que ça implique pour toi d’être sportif professionnel ? Avec un regard plus global, maintenant qu’on a retracé ton parcours ?
« Alors, avec une vision plus globale… Aujourd’hui, à 34 ans, en étant papa, je ressens et je le vois avec mon fils qu’on a un rôle d’exemplarité. »
Quand j’étais pro, j’avais déjà ce rôle vis-à-vis des autres. Mais maintenant, en tant que père, je le comprends encore mieux. Et je saisis pourquoi les coachs, les présidents nous répétaient toujours : "Les gars, vous devez être exemplaires." Parce qu’au final, t’es un modèle. Je le vois aujourd’hui avec mon fils. Parfois, des joueurs pros viennent voir les petits, et ils sont comme des fous. Ça ne les laisse pas indifférents. Après, mon fils, lui, pas trop, parce qu’il a grandi avec ça. Tous ses tontons jouaient au foot, donc il est habitué. Mais les autres gosses, eux, quand ils voient un joueur pro, c’est une vraie source d’inspiration.
C. : À ton échelle, est-ce que tu te sens à contre-courant de ton parcours ? Et si oui, qu’est-ce que ça implique et qu’est-ce que ça t’a apporté ?
S. : À contre-courant, oui, clairement. Pourquoi ? Parce qu’en général, quand tu es footballeur professionnel, après ta carrière, tu restes dans le milieu. Tu deviens agent, coach, consultant, ou tu commentes des matchs. Mais moi, ce n’était pas quelque chose qui m’attirait pour ma reconversion. Donc oui, dans mon parcours, je suis totalement à contre-courant. J’ai toujours été un peu anticonformiste, et pour moi, il n’y a pas de chemin tout tracé.